Faits divers -2-
Des petits enfants et
des vélos (ça n’a rien à voir )
Sujet délicat que celui que j’aborde. Ce que je vais en dire est nourri de notre observation quotidienne, de notre expérience,certes limitée,d’heureux grands-parents ébahis d’un petit A. ouvert au monde par le talent de ses parents (comme nombre de petits-enfants européens), et de nos conversations.
D’abord et toujours : Mais où sont les petites filles ?
Notre quartier est un lieu de vie, même si les boutiques, ateliers, restaurants sont à tout touche le long des rues. Au contraire, c’est beaucoup d’animation dans une ambiance bon enfant. Beaucoup de cyclistes se déplacent sur des montures approximatives. Avons-nous jamais vu un chinois sur un « beau vélo » qu’il faut éviter avec autant de soins que chacun se gare des voitures : Le piéton, même sur un passage clouté n’est pas indemne de tous risques. Place au plus fort d’abord. Revenons aux cyclistes. Certains équipages par exemple, pourraient se transformer en voiliers par fort vent d’ouest tant ils disparaissent sous des m3 de klégécell, tandis que d’autres peinent à tirer autant de palettes de bois,d‘amas de ferrailles, de pots de plantes et de fleurs. Un arbre taillé en nuage qui se faufile dans la circulation c’est tout un univers. Des mères, des pères transportent leur petit trésor au retour de l’école, des agents de la circulation, genre hirondelles des années 50, mais sans grands pouvoirs, installent le leur dans des endroits stratégiques équipés de gyrophares (trois) ? et attendent que le temps passe. C’est bien, c’est coloré, cela rajoute de l’animation ! Le must, étant le vélo électrique, le pire pour les piétons qui ne l’entendent pas venir vite. Rarement adaptés à leur propriétaire, trop grands, trop petits, l’air toujours usagés ou carrémenr hors d’âge avec des pneus de misère poreux à souhait, ils font le bonheur des réparateurs installés avec leurs pinces, leurs tubes de colle et leur rustines antiques, aux carrefours ou le long des avenues, chacun sachant où trouver son expert. Pas de snobisme là-dedans, du pratique, de l’utile, un gagne-pain pour beaucoup.
Ainsi ce soir, en rentrant à la maison, les enfants étant l’un dans l’avion vers Pékin, l’autre dans le train retour de Canton, nous avons acheté notre dîner à deux marchands ambulants qui faisaient le frichti sur leur vélo dans la rue.
L’une, enceinte jusqu’aux yeux, avait un appareillage complexe pour faire griller sur un feu de charbon de bois, des brochettes de mouton. Nous lui en avons pris 5- mais attention, elles sont minuscules avec trois petits morceaux de viande étirés sur le bois, soupoudrés de piments. L’autre, en fait un couple, sur un seul vélo transformé en kitchenette, sortait en moins de deux, de petites galettes de farine de riz fourrées, au choix, aux feuilles d’oignons précuits à la maison, à la viande hachée, à de minuscules portions de haricots verts ? A hauteur du guidon, Madame plongeait ses mains farinées dans la pâte toute prête, proprement enveloppée d’un torchon, en tirait une poignée, l’aplatissait sur un petit plan de travail à hauteur de la selle, la fourrait selon la demande, et la passait à Monsieur qui sur le porte-bagages, dans l’huile bouillonnante d’un petit wok chauffé au gaz, vous retournait avec dextérité cette bonne petite chose, la faisait glisser dans un petit pochon plastique et encaissait nos 2 Yuans pour deux galettes.
Mais où sont les enfants qui devaient me préoccuper ?
Les voilà, nombreux,dans notre quartier,aux mains des grands-parents, qui les pouponnent, les promènent, les ont dans les bras, sur le dos, les surveillent, font le trajet de l’école et ….sont installés chez le jeune couple pour ce service. Pas d’échappatoires pour eux. Ils s’occuperont de l’enfant, à tour de rôle dans le meilleur des cas ; Avec parfois des situations conflictuelles entre les grands-mères…. Le nombre de crèches est dérisoire, On n’a pas encore inventé les nounous en Chine qui par ailleurs coûteraient trop cher aux parents. Donc, les parents de l’un ou de l’autre vont remplir ce rôle plus ou moins longtemps, jusqu’à ce que l’enfant aille au jardin d’enfants non obligatoire, à partir de 2ans et demi, ou à l’école élémentaire obligatoire à partir de 7 ans. Parfois au-delà… C’est d’ailleurs si bien intégré dans les mentalités que les appartements-types de standing (ceux qu’on visite avant l’achat ) prévoient trois chambres : Une plus grande pour le jeune couple, une petite pour l’enfant, une moyenne pour les grands-parents. Dès que la future maman annonce un heureux évènement, parents ou beaux-parents n’attendent pas toujours la naissance pour s’installer en terrain vivement conquis. Les tensions sont inévitables avec les jeunes femmes qui voudraient bien s’émanciper. Les mères des maris allant jusqu’à prendre en mains les budgets, imposer leur nourriture, critiquer les choix des jeunes couples En l’occurrence les maris chinois semblent faire preuve d’une réelle inertie et ne veulent pas toujours prendre partie. Ambiance.
Le rejeton étant né, voilà ce qui est arrivé à Sha , une pétulante et compétente secrétaire de l’agence de PA et N. Les 2 grands-mères ont débarqué bien qu’hélas le bébé fut une fille. Pour que la maman se remette elle fut tenue un mois dans sa chambre, sans sortir, gavée de poulets et de pigeons pour la refortifier.. Le bébé fut kidnappé par les grand-mères qui voulaient toutes deux l’avoir pour dormir, les deux estimant naturellement que le papa était bien incapable de s’en occuper la nuit ….Est-ce une situation rare ? Pas sûr…D’autant qu’ elle est le résultat d’habitudes pour ne pas dire coutumes ancestrales qui pouvaient s’expliquer dans un autre contexte que celui d’aujourd’hui : L’enfant n’est présenté à la famille des oncles et tantes, aux amis, qu’un mois après sa naissance, en même temps,que lui est attribué un prénom . Inutile de préciser que Sha fut ravie et impatiente de retrouver de l’air en même temps que son travail, et de laisser encore un peu plus sa fille entre les mains des mamies. Mamies, qui se trouvent ainsi être les vraies éducatrices des petits, et qui finiront par se plaindre d’avoir trop de travail ! Mamies et papis qui ne lâchent pas d’une semelle l’Unique.
Avec des conséquences un peu inquiétantes pour les jeunes adultes de demain et d’aujourd’hui :ego démesuré, absence de curiosité, d’initiative, relations difficiles avec autrui, comportements enfantins. PA et N. à leur grand dam, retrouvent chez eux ce genre de « mecs » qu’ils ne connaissaient pas auparavant, s’en émeuvent et s’en lamentent, car la qualité de travail de ces grands « sans pensée » n’est pas un avantage dans leur profession, ni dans la vie tout court.
Quant à nous, tous ces Petits, graves et pas gais, nous font nous languir d’un certain Alexandre qui fait profiter la kanakie de tous ses sourires et de toutes les trouvailles que lui offre la vie.